J'ai passé un certain temps ses dernières années dans la région PACA à fréquenter le monde disparate de l'innovation. Ça va du monde de la recherche aux startupeurs en passant par les incubateurs et les pépinières d'entreprises, de Marseille à Sophia Antipolis.
Et au final, je me suis installé dans un espace de coworking.
Fort de cette riche expérience, il me semble opportun de vous relater grossièrement mes pérégrinations en mettant en relief certains points. Elles pourraient servir à d'autres.
Le premier est évident: le relationnel prime. Et pour quelqu'un diagnostiqué avec un autisme de haut niveau sur le spectre autistique, c'est une vrai sinécure toutes les mondanités auxquels il est préférable d'assister :p. On doit passer beaucoup de temps à présenter ses idées et leurs états de réalisation à des inconnus qui sont potentiellement intéressés et susceptibles de fournir un financement ou simplement une aide. On court d'un rendez-vous à un autre. On pense sa présentation, on la répète, on la repense, on la simplifie, on la prend plus jolie, on la refait, etc. On passe tellement de temps à faire connaître ses idées et leurs projets associés qu'on ne travaille concrètement dessus qu'en pointillé.
Et comme tout cet aspect relationnel, c'est vraiment pas ma tasse de thé ... Il faut alors s'acoquiner avec une personne qui à la fois aime çà et sache le faire correctement. C'est pas simple à trouver mais c'est indispensable à la concrétisation des projets qui ont un coût marginal de production non nul (les projets qui demandent un investissement dans du matériel).
Cela nous amène tout naturellement aux aspects économiques. Vous allez entendre le mot "business plan" dans la bouche de beaucoup des personnes qui sont intéressées par vos idées et leurs projets de réalisation. Et c'est un vrai métier de le monter. Encore une chose qui vous éloigne du travail concret sur vos idées. Et encore un aspect qu'il ne faut pas négliger si on veut faire atterrir les projets. On se rencarde sur les financements de tous types : publics, privés, crowdfunding, mécénat, concours, etc. Autant de dossiers à remplir que de types, pour des réponses le plus souvent négatives.
L'orientation de la partie financement est très dépendante du degré d'innovation et de rupture de vos idées. Il est par exemple peu probable que un financement public vous soit octroyé sur l'idée de créer des formes imprimables en 3D auto-générées depuis un morceau de musique, à moins de faire passer ça pour un projet de recherche. Et encore, c'est loin d'être un sujet prioritaire pour la recherche ;-) et ce serait rentrer dans des complexités administratives et légales bien élevées pour avoir un peu d'argent. Pour ce genre d'idée, il vaut mieux tabler sur du crowdfunding. Les moyens plus institutionnels de lever de fonds sont préférablement plus indiqués pour des projets dont les débouchés sont plus assurés. Si par exemple vous voulez faire un service de prévisions de production d'énergie renouvelable à partir des prévisions météo, vous pourrez alors ratisser plus large pour la recherche de financement. Il est aussi important de découper la réalisation d'une idée en étapes et de mettre en face un coût, çà permet d'échelonner le financement en fonction et d'alterner les modes de financement en fonction de l’étape.
Avoir des idées, c'est bien; avoir des idées réalisables si possible dans l'espace d'une vie, c'est mieux.
Vous l'entendez venir à grand pas, l'étude de faisabilité. Suivant la complexité du projet, il ne faut pas la rater parce que se rendre compte après des mois de travail que vous faites face à une impossibilité théorique en plein ingénierie de votre idée, ça risque de mal goupiller le reste de votre vie :p.
Pour rassurer les éventuels financiers nécessaires à l'aboutissement du projet, il est opportun de faire une étude de marché. Plus exactement de faire faire. Il est vraiment préférable de ne pas tout faire soi-même, sinon c'est le burn-out assuré, il faut déléguer les tâches qui sont hors de vos compétences à, soit des futurs partenaires, soit payer/avoir accès à des prestations. Les pépinières et autres incubateurs offrent en général une palette complète de services dans ces domaines pour un prix abordable.
Viens ensuite l'étude traditionnelle dite de risques qui reprend déjà tous les pré-requis évoqués. Il serait regrettable que vous vous retrouviez endetté à vie parce que vous avez mal évaluer un aspect risqué du projet.
La faune que l'on trouve dans ce petit monde est aussi digne d'intérêt. Cela va du postdoc qui aimerait concrétiser son sujet de thèse au "business angel" qui a les dents qui rayent le parquet. On y rencontre aussi quelques escrocs de l'innovation qui se complaisent dans le montage qui coûte et qui n'aboutit jamais, enfin sauf les sous qui aboutissent dans la poche de l'instigateur.
Et enfin, si tout se goupille bien, vous allez vous trouver en train de faire tourner une entité morale (EURL, SARL, SCOP, etc.) vers l’aboutissement d'une de vos idées.
Au final, il n'y pas vraiment de recette toute faite à appliquer pour créer de l'innovation.
Si vous faites du logiciel seulement, vous n'avez pas forcement besoin de financement mais vous avez besoin de temps et de faire connaitre votre travail par la suite, un simple mécénat peut suffire dans le cas d'un logiciel libre.
Si vous faites dans l'innovation dite d'usage (très à la mode en ce moment), vous aurez besoin ... de phase de tests avec des utilisateurs.
Si vous faites dans l'innovation sociale, vous pouvez vous appuyer sur les réseaux sociaux déjà existants.
Si vous faites dans l'innovation technologique complexe, vous devrez passer des partenariats.
Il faut se poser la question "Comment je fais exister XXX ou YYY ?" et chercher les réponses les plus simples possibles (simples, pas simplistes) qui y répondent. C'est comme çà en général qu'on aboutit à faire vivre ses idées.